Freelancing : une opportunité pour gagner la guerre des talents ?

L’essor du freelancing est-il une opportunité à saisir pour gagner la guerre des talents ? Le travail indépendant en prestations intellectuelles, communément appelé freelancing, est effectivement un phénomène en plein développement et beaucoup d’entreprises lorgnent de plus en plusces travailleurs indépendants.

Une indépendance qui rime souvent avec « insaisissable » ou « incompatible » avec l’organisation d’une entreprise qui embauche par définition une majorité de salariés permanents.

Dans cet article, nous tentons de dresser un état des lieux du freelancing en 2023 au-delà des clichés classiques tout en explorant aussi les avantages potentiels de travailler avec des indépendants pour les entreprises, notamment en termes d'agilité, d'innovation et de compétitivité en période de guerre des talents.

Les freelances en Belgique : qui sont-ils ?

En Belgique, environ 265 000 personnes travaillent en tant que freelances, et cette tendance est à la hausse en Europe également. C'est un chiffre en augmentation rapide, de quelque 5 % par an depuis 2018 (+ 22,5 % en quatre ans en Wallonie et à Bruxelles).

Contrairement aux clichés, les freelances sont hautement qualifiés, 90 % d’entre eux sont diplômés de l'enseignement supérieur. 60 % des freelances exercent en Flandre, 23,1 % en Wallonie et 14,3 % à Bruxelles, et trois freelances sur quatre sont des hommes.

Les freelances travaillent principalement pour les entreprises et sont souvent engagés sur base d'un contrat à durée fixe. Leur tarif horaire médian se situe entre 71 € et 90 €, mais 30,1 % d'entre eux facturent plus de 90 €l'heure de travail, tandis qu'un peu moins d'un quart (24,9 %) facturent moins de 50 € par heure.

💡 Autre information intéressante : la carrière d’un freelance commence souvent aux alentours de 40 ans, et plus de 80 % d’entre eux ont exercé une activité salariée auparavant. On est bien loin du cliché du jeune geek qui passe ses journées à coder seul dans sa chambre !

“Demain, tous freelances ? “

C’est une des questions que j’aime bien poser aux invités de notre podcast HR Stay tuned. C'est le podcast HR inspirant où l'on parle innovation et tendances du secteur.

D’ailleurs, nous avons consacré un épisode complet au freelancing en compagnie de Christian Mugisha de MALT

Quels métiers exercent-ils ?

Lorsqu'on parcourt rapidement Internet, les métiers liés au Web (community manager, webdesigner...) ainsi que les métiers de la technologie (développeur, UX designer, Data Analyst) et du design graphique apparaissent en premier plan. C'est pourquoi le freelancing a commencé avec ces métiers liés au numérique, qui étaient peu présents dans les entreprises et qui permettaient de travailler à distance.

Cependant, l'éventail des métiers proposés par les freelances s'est considérablement élargi et couvre désormais l'intégralité des fonctions présentes dans l'entreprise, telles que les acheteurs, les responsables des ressources humaines, les experts en cybersécurité, les juristes, les comptables ou encore les consultants QHSE.

Qu’est-ce qui motive une personne à devenir freelance ?

La lame de fond du freelancing est soutenue par plusieurs facteurs, notamment technologiques, avec la diffusion des outils numériques et la possibilité de travailler à distance.

Selon une étude réalisée par Malt en 2022, les principales motivations des freelances sont :

  • répondre à un besoin d'indépendance (88 %) ;
  • pouvoir organiser son temps librement (81 %) ;
  • pouvoir choisir ses clients (57 %) ;
  • tester l'entrepreneuriat (35 %) ;
  • choisir son lieu de travail (37 %) ;
  • gagner plus (33 %).

💡 Les frustrations que peut générer le statut de salarié, telles que le manque de liberté pour s’organiser ou prendre des décisions, sont également des raisons qui motivent les gens à devenir freelances.

Le freelancing offre donc une alternative attrayante au modèle de travail traditionnel, permettant aux travailleurs d’être plus autonomes, flexibles et de gérer leur carrière de manière plus personnelle. C'est ce que doivent comprendre les entreprises lorsqu’elles commencent à s’intéresser aux freelances.

Le freelancing, un sujet encore méconnu des RH

Historiquement, les entreprises ont utilisé les services des indépendants pour accélérer certains changements d’ordre technologique ou organisationnel — les fameux consultants —, mais aujourd'hui, elles y ont recours dans tous les domaines, du marketing à la gestion de projet en passant par la finance. Ce changement est lent, mais palpable.

En effet, la plupart des organisations sont bien conscientes des enjeux d'agilité, d'adaptation rapide au changement et d'attractivité liés au freelancing, ce qui pousse certaines d'entre elles à développer des stratégies de ressources humaines étendues à tous les talents.

Comment expliquer un tel décalage ?

Pour de nombreux responsables des ressources humaines (RH), le freelancing demeure un sujet frappé d'invisibilité et parfois tabou.

La distance que les services RH conservent à l'égard des freelances repose en premier lieu sur la subsistance d'une vision traditionnelle du rôle des ressources humaines centré exclusivement sur le recrutement, l'administration et la gestion des compétences des collaborateurs permanents.

💡Les indépendants sont donc souvent gérés directement par les managers ou les opérationnels plutôt que par les RH. Ils sont considérés comme des « frais d’achat de prestations ».

Cependant, l'ANDRH (Association Nationale des DRH en France) n'enjoint-elle pas la communauté des DRH à faire évoluer leur posture lorsqu'elle publie dans sa revue un article intitulé « Manager des indépendants, le prochain métier RH ? ».

Les raisons qu’ont les DRH de s’emparer du sujet du freelancing

Les raisons pour les DRH de s'emparer du sujet du freelancing sont multiples.

Tout d'abord, les RH peuvent et doivent jouer un rôle de médiation entre les freelances et les managers, qui peuvent avoir des niveaux de maturité différents pour gérer la relation avec les freelances.

Ensuite, les freelances apportent un effet miroir efficace sur le portefeuille de compétences de l'entreprise, permettant aux RH de se poser des questions sur le recrutement, le développement des compétences internes ou encore l'embauche de freelances.

Les communautés de freelances développent également des modes collaboratifs et mobilisent des technologies intéressantes pour les organisations, et peuvent les aider à les adopter plus rapidement.

On considère par exemple que la diffusion rapide des technologies liées à l’intelligence artificielle dans les entreprises privées aux États-Unis est en grande partie due au recours à des travailleurs indépendants très à l’écoute des dernières tendances.

Enfin, comprendre pourquoi les gens choisissent de travailler en freelance peut aider les RH à comprendre les leviers de développement de leurs propres collaborateurs.

Stratégiser le recours aux freelances pour en faire un atout dans la guerre des talents ?

Les RH ont donc tout intérêt à s'intéresser à la communauté des freelances et à adopter des stratégies de ressources humaines étendues pour gérer la main-d'œuvre dans toutes ses composantes et ses nuances.

💡 Les entreprises et les RH en premier lieu doivent stratégiser leur recours au freelancing et inclure les travailleurs externes dans leur planification à long terme pour en faire une véritable “skill weapon”, une arme fatale en ce qui concerne les compétences dont elles ont besoin.

Considérer l’entreprise comme un hub de compétences ?

Les entreprises doivent pour cela redevenir agnostiques par rapport à leur compréhension du mot « talents » et de la manière de les faire travailler ensemble. Il faut entre autres développer des relations positives et durables avec les freelances et considérer les travailleurs

→ Les DRH doivent considérer le talent de manière globale, en mobilisant tous les leviers à leur disposition tels que le recrutement, la mobilité, le travail temporaire, les consultants et les travailleurs indépendants pour atteindre les objectifs stratégiques et les contraintes organisationnelles de l'entreprise.

→ Selon Emmanuelle Barbara, spécialiste du droit du travail, « l'entreprise est devenue un lieu sans frontières, ouvert à une pluralité de contributeurs. Par conséquent, la construction d'un écosystème de compétences qui combine les ressources internes et externes nécessite un directeur des ressources humaines stratégique qui peut gérer les ressources au-delà des frontières de l'entreprise ».

Conclusion : faire passer les compétences avant les modalités contractuelles

Les travailleurs du savoir, comme on les appelle souvent, sont une ressource hautement stratégique et unique en termes de capital humain, tout comme les autres collaborateurs de l’entreprise.

Révéler le potentiel des freelances passe par un changement de paradigme et de système de pensée de la part des services RH : placer les travailleurs indépendants au même niveau de valeur stratégique que les autres salariés et donc leur accorder le même niveau d’attention à tous les stades de leur parcours « collaborateur », afin de rassembler TOUTES les parties prenantes internes et/ou externes autour d'un objectif commun.

Vous souhaitez en discuter ? Contactez-nous : [email protected] ou au 0474 54 89 89 !